Les chaux et ciments

«Maintenant, Axel, s’écria le professeur d’une voix enthousiaste, nous allons nous enfoncer véritablement dans les entrailles du globe. Voici donc le moment précis auquel notre voyage commence.» Jules Verne, Voyage au centre de la terre.

Les chaux et ciments. Pour le village de Baulmes cela sonne comme un lieu dit. On désigne alors deux zones: l’une à l’Est, bordant les grandes rapilles, l’autre, aux Rochettes, une grande entaille, où la roche à nue est percée par 5 mystérieuses cavités.
Dans le village, seule quelques personnes, encore, se souviennent. Dans les faits, ce nom appartenait à l’usine fondée en 1898 par Emile Cachemaille. Elle ferma ces portes en 1960, remplacées par l’exploitation d’Eclepens.
Fin d’une histoire.
L’usine fut dynamitée en 1964 par l’armée. Les galeries ont, quelques temps encore, servi de refuge pour la culture de champignons, puis furent laissées à l’abandon. Seules les chauve-souris et quelques spéléologues s’aventurent encore dans le grand labyrinthe de 17km.
50 ans plus tard, les photographes Jean-Noël Pazzi et Yannic Bartolozzi ont décidé d’explorer ces vestiges. Là, derrière un grand portique en métal, sou e l’air froid et mort des entrailles de la montagne, elle a une odeur humide et minérale. Un grondement, comme une rivière aspirée par un siphon, attend les visiteurs. L’atmosphère est donnée: seule, ici, l’imaginaire peut encore y pénétrer, et elle y va comme dans «le voyage au centre de la terre», prête à y rencontrer l’histoire somnolente des mines désaffectées de Baulmes.
Le travail alors proposé est de l’ordre d’un voyage ténébreux. Deux regards – deux imaginaires – en dialoguent, explorant et rapportant des images d’un autre temps ou d’un autre monde.
L’un, celui de Jean-Noël Pazzi, s’engouffre toujours plus en profondeur. Flash à la main, il dévoile des paysages souterrains, où cohabitent bâtis de tous genres et roches taillées. Il rapporte à la façon d’un archéologue des objets, des restes que le temps n’a pas encore détruits. Mais l’anachronisme s’insinue vite, comme une ne pellicule; une concrétion qui, petit à petit, gagne sur les objets. On imagine, alors, toutes ces galeries éclairées par les lampes des mineurs; ces outils abandonnés comme seuls témoins de l’histoire.